VICTOR & OSSIP

Dans l’exposition actuelle Hugo décorateur

C’était le jour de la mauvaise nouvelle et j’avais eu plaisir à aller ( plutôt qu’au vernissage de Paris Photo ), à celui du Musée Victor Hugo. J’en ai certainement déjà parlé mais c’est un musée que j’aime vraiment beaucoup: Hugo décorateur. Dessins, objets, fabrications étranges et maison de poupée. Dommage que Gerard Audinet qui a vraiment fait des merveilles Place des Vosges et à Guernesey parte. Amiens le WE du 11 novembre. Rien fait, temps épouvantable. En rentrant à Paris nous buvons un verre au QG. Discussion avec un travesti, BB arrive et quelques personnes. Je pense souvent en voyant les femmes de ménages et concierges portugaises qui sont des habituées, à ce film dans lequel Lucchini monte au sixième étage de son immeuble bourgeois, au rayon chambres de bonnes de l’époque – et qu’il y découvre un monde bien plus amusant que le sien. J’alterne entre la Cantine de la Cigale et Les artistes. Ronron. Peinture et nécessite de penser à l’expo de 2027. N’arrive pas vraiment à m’y mettre et à inventer quelque chose à dire pour le rendez-vous du 4. Il faut. Je commence vraiment demain. Arts et sociétés à Science Po. La personne invitée parle de la collection des moulages ou cires ?de l’hôpital Saint Louis et ne montre aucune image. Son livre s’appelle « Soigner l’image  » . J’étais assez méfiante et depuis lors, ce titre me semble finalement insupportable. Soigner une image? Mais qu’est-ce que cela veut dire? Qu’on épargne le visiteur, qu’on met devant ses yeux un filtre pour qu’il ne voie pas? On modifie le réel comme les sensitivity readers? (Dans le secteur anglo-saxon de l’édition, de nouveaux relecteurs sont déjà au travail, on le nomme les « sensitivity readers » et leur rôle est de débusquer dans les manuscrits des phrases ou des situations qui pourraient blesser des minorités ethniques ou sexuelles et provoquer des polémiques.) Ca m’énerve . Tiens je regarde si je trouve quelque chose sur ce livre que je n’ai pas lu et sur l’installation que je n’ai pas vue: Des pans de gaze et de dessins sur gaze se déploient au rez-de-chaussée. L’utilisation de cette matière dans certaines vitrines est comme un pansement 😂 pour amortir la violence de la vue des moulages, comme la violence des maux endurés. Dix paires d’yeux sont dessinées au fusain matérialisant à la fois le regard médical, son histoire, et le regard de celles et ceux qui devaient fermer les yeux pour pouvoir être moulé(e)s. Misère !!!

Pouf pouf. Amortir la violence? Mais pourquoi? Bref. Cette semaine: Signer à l’imprimerie, voir B et M, parler avec Françoise Fabian tellement belle à 92 ans, travailler et râler. M’ennuyer un peu. Ne pas avoir de livre en cours. Ne pas trouver d’idées interessantes. Regarder les modèles de caméras. J’en veux? J’en veux pas?. Décider d’aller à NY avec C. et AL. Apprendre le décès de Guy. Rendez vous avec DG au Louvre en vue d’une estampe à réaliser, diner avec E. et V. Longtemps que je n’étais pas rentrée après minuit !!!! J’oublie l’aller-retour à Nantes. Le projet à réfléchir. Visite Vendredi à Paris photo. Plutôt passage éclair car je ne sais rien voir dans ces trucs. Je mange un très mauvais sandwich, m’en plains et je repars. Croise TG qui m’invite à Cortone et M. qui me propose de faire l’interview à Lugano. Genoux hum hum. Pas terrible. Ca ne m’inquiète pas encore vraiment mais je sais que ça ne va pas s’arranger. Temps triste.Important !!!!: fait le contrôle technique. Ca c’est une nouvelle. Plus sérieusement j’ai commencé le Timbre Egyptien de Mandelstam. Plutôt hermétique dirais et j’ai un peu de mal : En forme de chronique poétique aux accents kafkaïens, un récit étonnant de liberté et de modernité, parsemé de figures de doubles, de réminiscences littéraires et de souvenirs familiaux qui architecturent le labyrinthe onirique du grand poète russe. Où ai-je mis le texte sur Dante.? Nous écoutons religieusement Georges Nivat parler des Conversations avec Dante. Pas entendu son portrait en lien sur France Culture mais la conférence de ce Monsieur que je ne connaissais pas. Ni lui, ni sa coiffure d’étrange oiseau.

A ce moment des sourds muets traversaient la place. Leurs mains gesticulaient comme si elles filaient rapidement. P44/… Ils parlaient le langage des hirondelles et des jeunes mendiants et sans arrêt cousaient l’air à grandes enfilées; ils en faisaient une chemise /L e timbre Egyptien/ Ossip Mandelstam

Belle exposition chez Christophe: Bob Wilson et Pommereule et dans la grande galerie Marina Gadonneix

GUY/Guido

Photo Henri Foucault

« Personnage flamboyant, colérique et contesté, l’homme a marqué l’institution par ses excès et ses coups de génie. Hommage.« 

Voilà Guy, pour toi c’est fait pourrait-on dire. Tu as changé d’adresse et nous en sommes aux hommages ici et là dans la presse. Je suis un peu sans voix. J’ai regardé le SMS qui s’affichait sur mon téléphone alors que je conduisais et je ne savais plus où j’étais. Ce sont les klaxons qui ont mis fin à cette paralysie soudaine. A vrai dire, je ne réalise pas vraiment. On ne s’était plus revus depuis une bonne année et c’est JM qui me donnait de tes difficiles nouvelles. Si je pense à toi au moment où j’écris, c’est Rome qui apparait en premier. Tiens, tu sais le Café Greco va fermer. ( Il n’a jamais été une de nos adresses mais quand-même c’est triste … ). Je revois notre première rencontre à la villa -nous étions arrivés le même jour de septembre 1982- je crois que j’ai parlé vaguement de Don Giovanni histoire de dire quelque chose et commencer sur une base disons « culturelle  » correspondant au lieu et à notre statut de pensionnaires pour deux grandes années !! -nous étions au comptoir du bar tenu par le vieux Fernando- et tu m’as répondu que tu voyais plutôt un autre opéra , correspondant au lieu et à la situation. J’ai oublié mais à ce moment-là j’ai compris qu’il était plus prudent de me taire. Si les emojis avaient existé, j’aurais utilisé celui-ci 😮. Jamais je n’avais entendu de tels propos. On s’est plus tard amusés à reconstituer cette scène oú je m’imitais moi-même en sotte savante tentant de briller, ou tout au moins essayant de ne pas être trop terne. Pendant deux années on ne s’est plus quittés, de notre passerelle à la Tour, de la Tour à l’atelier d’Ingres, mon atelier ( je crois ne pas me tromper en disant que j’ai été le premier artiste vivant que tu as côtoyé ) puis mon autre atelier face au tennis. Il y avait la ville, Rome la nuit surtout quand nous rentrions d’un restaurant ou d’une simple promenade- je t’écoutais parler de l’architecture, on disait des âneries, on hurlait de rire. On se taisait. L’hiver c’était vide et merveilleux. Il y avait la mer, le Piémont et tu m’avais emmenée dans ta famille et présentée comme ta fiancée! . On pouffait de rire dans le lit « matrimonial ». Tu imitais le parler de certains… tu imitais aussi Rosalba, ta maman. J’aimais bien ton père … Calme et peu bavard. A Rome il y avait celle qui a partagé nos deux années: Ma Visa Citroen Bleu turquoise immatriculée 80 . F . tu en étais le capitaine et l’avais souvent ornementée d’écritures et objets assez vulgaires dont tu avais le secret !!! Il y avait les visites dans les musées et c’était merveille de t’entendre, les concerts-tu m’avais fait découvrir Zemlinski- et évidemment le cinéma qui me demandait des efforts car contrairement à toi qui étais bilingue, moi j’apprenais la langue de mon mieux.Il y avait tes amours. La musique, Debussy, les partitions d’opéra que tu lisais aussi facilement qu’un Tintin. Sur le Lungotevere tu me poursuivais en Vespa pour me dire des choses lubriques et je n’arrivais plus à conduire un peu comme avant hier quand j’ai reçu le SMS mais en beaucoup plus drôle. Tu étais un excellent cuisinier et tu m’appelais quand c’était prêt. Je te revois aussi à Anacapri t’enfuir par la fenêtre de l’hôtel où tu étais venu dormir subrepticement. Il y avait tes promenades nocturnes à toi , les jardins, et tu me racontais un peu, il y avait notre ascension vers la Trinité des Monts déserte ( je dis bien déserte ) Car quand j’y suis allée je ne sais plus exactement quand, il fallait se frayer un passage parmi les touristes ) . On soupirait pendant l’ascension ou on se tenait les cotes ( comme lorsque nous avons suivis BHL en disant avec un accent de je ne sais quelle province Française: -Tu le reconnais maman, c’est le philosophe ?. Lui, le philosophe était resté stoïque et ne s’était pa retourné l’ombre d’une fois. On a souvent été morts de rire à cette époque- là. J’avais 25 ans et toi 28. Pompelia Ulysse- quel nom merveilleux – était secrétaire générale et on se moquait de la petite autorité de Tornesi , il raggionere qui nous énervait. Tu révisais ton concours des conservateurs à l’aise me semblai-il. Sans forcer. Moi je peignais non stop. On riait avec Said, Efizio et tout le personnel de la Villa, lieu sublime et peu fréquenté en ces années et dont nous avions la clé. On apercevait Balthus, on croisait Fellini… Tu m’avais écrit mon premier texte qui n’apparait pas dans le catalogue Jungles et loups / anonymat oblige/ mais que j’ai toujours. Quand il eut traversé le pont / cuando ebbe varcato il ponte… . Il y a 10000 histoires. Aujourd’hui encore je suis catastrophée car j’avais répondu un courrier à un directeur de Musée Allemand. Tu m’avais aidée. Façon de parler car tu avais inventé une version quelque peu scabreuse, et l’avais gentiment tapée à la machine. Bien sûr on avait ri de tant de grossièreté, imaginant mon conservateur Allemand horrifié. Puis j’avais posté le courrier à Termini . On ne peut imaginer mon effroi quand je me suis aperçue que j’avais envoyé l’horreur. B. ( suicidé il y a quelques années ) m’avait accompagnée à la gare et protégée des regards. Armée de la fourchette qu’utilisait Efisio pour cueillir les oursins en Sardaigne, j’avais tenté et réussi miraculeusement à récupérer le truc grâce à un adhésif. Après Rome on se voyait moins, toi à Lyon puis il y eut le Louvre, Orsay, le Trocadero et ses soirées inoubliables… Les amis, les costumes, la terrasse… Moi un peu dans mon coin et ayant tout quitté. Toi faisant une carrière qui te mena -apothéose à Orsay où tu fis merveille. Je me souviens aussi de ta tête quand je me suis rasé la mienne, les trucs que tu prenais le temps de me sussurrer à l’oreille au moment des vernissages, tes discours pendant lesquels je t’envoyais grimaces discrètes et yeux qui louchent. Tes expos furent brillantes. Ca frôlait le génie on peut dire, même si tu étais peut-on dire, chiant, injuste et parfois terrifiant !!!! Je le dis sans malice, sans méchanceté et avec admiration. Me traverse l’esprit « le jour du canapé  » quand après un discours géant de courtisanerie prononcé par X, cet objet  » design » jaune me semble t’il, s’était effondré et moi effondrée de rire. Tu m’avais chassée et je riais de plus belle, je hoquetais. Et aussi la chaise Bambi. Chez H et N je crois tu étais assis à côté de moi et tu étais de plus en plus bas- je te regardais de haut- jusqu’à voir ton menton sur la nappe. Les pieds de ta chaise, tel les pattes de Bambi quand il se lève pour la première fois étaient si écartés que tu t’afessais. Je me souviens aussi de la photo insolente où on te voit avec le pape, de l’appartement que nous appelions l’autobus, là tout près d’ici. Et la soirée où tu fis la connaissance d’Euricio… Et aussi… Ho et puis je n’ai plus envie d’écrire.

Retour en haut