Je me parle avec plus ou moins d’intensité. Je me parle ( façon de parler) Je me dis plutôt et aimerais une machine à noter sans que cela nécessite de “raconter ” ce que je pense. Ca s’écrirait tout seul et ce serait bien. Ca ne servirait à rien, ce ne serait évidemment pas un livre, ni même un semblant de journal. Parfois il me semble que “ce que je me dis ” n’est au fond pas plus stupide qu’autre chose mais que tout s’est déjà évaporé. Qu’il ne me reste rien, qu’il faut reprendre.Et que c’est trop tard.
L’homme croisé de profil et son oeil masqué par un bandeau de cuir, l’homme au costume beige et cravate- le tout démodé et que je baptise l’homme de l’ambassade de Valpareiso. Il me rappelle ces moments-ambassade où les dames sont endimanchées et les hommes apprêtés comme pour un mariage en province. Une autre personne hier se tenait devant le musée. Pardessus et chapeau d’un autre âge lui aussi, qui m’évoquait plutôt l’Est-un espion de Dresde ou quelquechose du genre. Je l’appelle le consul honoraire de l’Ambassade. Ceci ne sert à rien, mais si je ne les note pas, ils ont déjà disparu rejoignant une multitude d’autres dont je n’ai le souvenir que d’une chaussure, une couleur.
A propos de couleur la dame hier en rouge orangé et qui avait le nez collé sur des cires anatomiques, semblait échappée de l’Ile du Docteur Moreau. Un peu simiesque de visage avec des faux cheveux-poils.
J’ai la mauvaise manie d’imaginer les gens morts et allongés pour ma dernière visite. C’est morbide et dégoutant, je n’échappe pas moi-même à la dernière visite à moi-même si l’on peut dire.
Puis je me suis demandée pourquoi les gens se faisaient photographier devant cet “éléphant pris au piège- oui pourquoi donc poser devant cette sculpture énorme de Fremiet commandée pour l’Exposition Universelle de 1878. Le mouvement en est spectaculaire? Ou est-ce simplement une oeuvre si proche de la réalité que l’on peut sourire sans avoir peur? Ce qui serait drôle c’est que soudain la trompe, telle un fouet shlack s’anime et arrache l’appareil photo ou plutôt téléphone de l’un ou l’autre.
Ce qui me sidère dans Le mal de Montano, c’est l’apparente facilité qu’a Villa- Matas à changer de perspective(s). Sa façon de s’être emparé de la personne de Daniel Emilfork , sans jamais le nommer puis de transformer la réalité qui devient une sorte de matière molle à pétrir: Certains aspects en sont aplatis, écrasés, effacés, puis en malaxant à nouveau les mots, un horizon apparait, tout redevient plat et normal avec le ciel au dessus et la terre en dessous. Des magnifiques insertions littéraires provenant de “journaux ” et la phrase de Sebald, que je n’ai pas mémorisée mais qui dit une étoffe passée sur laquelle scintillerait le hasard?. Je vais chercher la phrase plutôt que de la maltraiter. C’est pathétique de ne pouvoir “raconter ” ça.
Ce ne sont pas des hasards, il y a simplement quelque part un lien qui, de temps en temps scintille sur un tissu fané.
Il me semble à vrai dire que ce livre pèse trois tonnes; trois tonnes d’écrivains, de Bela Lugosi, vampires littéraires, homme aux épaules couvertes d’un châle et écrivant avant le lever du jour, taupes sur une île des Açores, volcan sur l’ile déserte de Pico. Budapest, conférence puis ancienne pilote d’avion confidente et Dracula et Borges et les mensonges et les inventions.
Mais comment réussit -il à ” caser ” tout cela dans les pages. J’ai noté les auteurs cités-je n’ai pas fini le livre- mais à la page 307 début du journal d’un homme trompé, j’en ai relevé dans les 130. Certain, je ne les connais absolument pas:
Danilo Kis, Cyril Connoly, Chesterton, Justo Navaro, Fray Luis de Leon, Wallace Stevens, Ricardo Piglia, ose Hernandez, Sergio Pitol, Jonathan Lethem, Alejandra Pizarnik qui s’est suicidée d’ailleurs, . John Cheever et j’en passe par flemme de recopier.
Bon, je ferai connaissance avec ce petit monde plus tard. “Autobiographistes” si je comprends bien, pour la plupart.
Je me dis que j’aurais dû il y a quelques années noter cette liste dans un cahier et aller à la bibliothèque en chair et os pour y chercher mes inconnus. Je mesure a quel point je n’ai pas lu grand-chose finalement mais aussi que l’on ne peut ( quoi que ) passer sa vie à lire ici où là ( quoi que)
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