Hélène Delprat, dompteuse de songes
Armelle Heliot
Hélène, c’est un poème. Une fille qui rêve les yeux grands ouverts et qui vous ouvre les portes étranges, les portes translucides qui conduisent au pays des songes, de la mythologie, des vérités enfouies. Là où les sphinges dialoguent avec des princes, là où les chats se promènent d’égypte en Inde, là où bruissent tous les savoirs du monde, en un froufrou d’étoiles. Hélène Delprat est l’une des artistes les plus singulières d’aujourd’hui. Elle n’a jamais cessé de travailler. Vertu d’enfance. Toujours en train d’inventer quelque chose, Hélène Delprat. Jamais en repos. Toujours en quête.
Crâne rasé, visage bien architecturé, regard intense, rire éclaboussant, voix au joli timbre, elle a la silhouette d’une adolescente qui serait un peu un garçon manqué. Les dompteuses de mythes ne vieillissent jamais, et Actéon, qui ne cesse de hanter ses tableaux, ses dessins, ses compositions, ses films, ses maquettes, costumes, décors – car Hélène Delprat, Diane chasseresse, a plus d’une corde à son arc – , n’est qu’une des figures d’un monde très personnel mais d’autant plus troublant et passionnant qu’il puise dans le fonds culturel qui résonne en chacun de nous. Démons et merveilles, elfes, monstres ou fées, Hélène Delprat apprivoise tout un monde. Avec elle, on n’a jamais peur des loups-garous, des vampires ou des ogres. Ce sont ses amis. Pas plus ne pourrait-on craindre la mort. Elle a su donner une telle porosité à son univers qu’avec elle, on ne sait plus très bien de quel côté on est…
Ces jours-ci, on va découvrir à Rosny-sous-Bois le spectacle de l’école nationale des arts du cirque, une chorégraphie de Jean Guizerix, avec Wilfride Piollet, des lumières d’évelyne Rubert et le monde fascinant d’Hélène Delprat, qui a dessiné les costumes et les accessoires.
Au musée Gustave Moreau il y a quelques semaines, dans le cadre de la Nuit des musées, le public, ébahi, s’est laissé enchanter par le spectacle et les installations de cette magicienne des humeurs. Avec Alexandra Rübner, elle avait élaboré, dans une grande boîte blanche, lanterne magique aux parois transparentes, caverne immaculée pour éblouissements singuliers, tout un monde d’apparitions, avec paroles, fragments, collages, ombres et marionnettes, découpages aériens, emprunts aux contes et autres fondements mythologiques.
Hélène Delprat est une conteuse.
Marie-Cécile Forest, conservatrice en chef du Musée Gustave-Moreau, un des lieux les plus envoûtants de Paris, aime laisser toute liberté aux artistes. Et elle a eu bien raison. Inoubliables moments. S’il fallait un seul mot pour cette artiste aux dons pluriels et aux curiosités encyclopédiques, on prononcerait tout simplement le beau nom de peintre.
Elle est peintre. Elle a fait les Beaux-Arts avant de connaître les joies parfois sévères de l’Académie de France à Rome. De la Villa Médicis viennent Actéon et ses grands bois, par Ovide, et les cieux de la Ville éternelle. Elle le sait. Dix ans durant, elle a été à la galerie Maeght. Puis l’a quittée en 1995.
Peintre, Hélène . Mais peintre à ramifications ainsi qu’elle le dit en riant. Très juste formule, image du bois de cerf, de sa splendide ramure, image d’Actéon dont elle serait comme le double féminin.
Mais la métamorphose du chasseur de Thèbes par Artémis, qu’il avait surprise se baignant nue, est aussi renfermement dans la prison d’un corps animal… et la ramure est aussi l’image de l’échappée vers le ciel.
Dans son grand atelier blanc d’Argenteuil, bâtiment qui jouxte les voies du chemin de fer et au-dessus duquel passent les avions en lointaines partances – mais un silence de campagne règne ici – Hélène joue avec les fantômes, les sarcophages, le carton, le papier. C’est son support préféré, le papier . Immenses pages carrées suspendues sur un filin et qui se sédimentent sans perdre de leur vivacité ni de leur beauté. Dentelle du temps, feuilletage délicat d’une oeuvre sans cesse revivifiée. à Paris, elle écoute beaucoup la radio en scrutant les écrans de son ordinateur et de ses montages vidéo. Elle écrit aussi son blog, journal de la création d’une Alice qui a traversé tous les murs.
“Je relève des phrases, et des images me viennent…”
école nationale des arts du cirque de Rosny-sous-Bois, les 15, 16, 17 juin à 20 h 30 etle 18 juin à 18h30. Réservation au 01.56.63.05.40.
Participe à l’exposition d’été -commissaire Dominique Paini – à la Fondation Maeght.

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