Fabliau pour Hélène Delprat
Anne Bertrand
Au lever froid du jour elle se dresse déjà, droite, le bras oblique, enflé, prolongé d’une flamme indiquant la direction à prendre. à quoi se résout le chevalier embrassant son épée, son gant étincelle aux dernières étoiles fichées dans la nuit. Sa dame soufflera ce qui reste du rang de bougies, elle attend plutôt qu’il exige le heaume dont elle s’est coiffée. Caprice d’amoureuse, elle sera solitaire longtemps, plus longtemps qu’ils n’ont osé se l’avouer. ça fait ricaner les valets, à peine ont-ils passé le nez par la portière : une sourit de toutes ses dents, elle n’y entend pas malice – il est temps de vider les lieux. Celui qui sait, se tait. Aveugle, sourd, muet peut-être, immobile, les bras croisés, il s’étonne sans le montrer des lueurs dansantes, feux follets diurnes alentour ; qui s’amuse, avec un miroir, à tenter de le jeter bas ? Au son de trompettes, soleil haut, s’accélère le cliquetis d’armes qu’on entrechoque.
à guerre lointaine, héraut qui s’entend pour déplacer de l’air et faire illusion. Sous son caparaçon, le cheval croisé rit, son cavalier s’éternise en adieux, sous une pluie tiède. à travers son rideau, l’étudiant guette un mystère. S’il devinait tout de travers ? Hésite, considère un derviche arrêté, tragique, mains crispées, puis le nain noir appuyé de tout son poids sur une canne à sa hauteur. Pas bien gai. L’âne médite en tailleur sous sa tente, et côtoie l’infini – ce que n’a su expliquer le disciple qu’on a puni. à terre, il a pourtant gagné que s’illuminent les extrémités de son bonnet. Le messager range sa musique, avant d’enchaîner. L’avenir est aux curieux de profession. Il le sera donc. Tourne le dos au singe blotti, transi ; trop tard pour qui ? Pas pour l’âne réapparu, qui repose, bras sous la nuque, jambe en l’air, sous le froissement d’objets comme feuilles de saule auprès de la rivière. Alors le cerf, le grand cerf, l’incomparable cerf au mufle doux, le cerf aux bois de fond des mers, bois suaves et durcis, piège pour la lune en forêt, penche la tête. Une ombre porte, le silence descend.
Discrètement le soir ferme le ban.

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