GUY/Guido

Photo Henri Foucault

« Personnage flamboyant, colérique et contesté, l’homme a marqué l’institution par ses excès et ses coups de génie. Hommage.« 

Voilà Guy, pour toi c’est fait pourrait-on dire. Tu as changé d’adresse et nous en sommes aux hommages ici et là dans la presse. Je suis un peu sans voix. J’ai regardé le SMS qui s’affichait sur mon téléphone alors que je conduisais et je ne savais plus où j’étais. Ce sont les klaxons qui ont mis fin à cette paralysie soudaine. A vrai dire, je ne réalise pas vraiment. On ne s’était plus revus depuis une bonne année et c’est JM qui me donnait de tes difficiles nouvelles. Si je pense à toi au moment où j’écris, c’est Rome qui apparait en premier. Tiens, tu sais le Café Greco va fermer. ( Il n’a jamais été une de nos adresses mais quand-même c’est triste … ). Je revois notre première rencontre à la villa -nous étions arrivés le même jour de septembre 1982- je crois que j’ai parlé vaguement de Don Giovanni histoire de dire quelque chose et commencer sur une base disons « culturelle  » correspondant au lieu et à notre statut de pensionnaires pour deux grandes années !! -nous étions au comptoir du bar tenu par le vieux Fernando- et tu m’as répondu que tu voyais plutôt un autre opéra , correspondant au lieu et à la situation. J’ai oublié mais à ce moment-là j’ai compris qu’il était plus prudent de me taire. Si les emojis avaient existé, j’aurais utilisé celui-ci 😮. Jamais je n’avais entendu de tels propos. On s’est plus tard amusés à reconstituer cette scène oú je m’imitais moi-même en sotte savante tentant de briller, ou tout au moins essayant de ne pas être trop terne. Pendant deux années on ne s’est plus quittés, de notre passerelle à la Tour, de la Tour à l’atelier d’Ingres, mon atelier ( je crois ne pas me tromper en disant que j’ai été le premier artiste vivant que tu as côtoyé ) puis mon autre atelier face au tennis. Il y avait la ville, Rome la nuit surtout quand nous rentrions d’un restaurant ou d’une simple promenade- je t’écoutais parler de l’architecture, on disait des âneries, on hurlait de rire. On se taisait. L’hiver c’était vide et merveilleux. Il y avait la mer, le Piémont et tu m’avais emmenée dans ta famille et présentée comme ta fiancée! . On pouffait de rire dans le lit « matrimonial ». Tu imitais le parler de certains… tu imitais aussi Rosalba, ta maman. J’aimais bien ton père … Calme et peu bavard. A Rome il y avait celle qui a partagé nos deux années: Ma Visa Citroen Bleu turquoise immatriculée 80 . F . tu en étais le capitaine et l’avais souvent ornementée d’écritures et objets assez vulgaires dont tu avais le secret !!! Il y avait les visites dans les musées et c’était merveille de t’entendre, les concerts-tu m’avais fait découvrir Zemlinski- et évidemment le cinéma qui me demandait des efforts car contrairement à toi qui étais bilingue, moi j’apprenais la langue de mon mieux.Il y avait tes amours. La musique, Debussy, les partitions d’opéra que tu lisais aussi facilement qu’un Tintin. Sur le Lungotevere tu me poursuivais en Vespa pour me dire des choses lubriques et je n’arrivais plus à conduire un peu comme avant hier quand j’ai reçu le SMS mais en beaucoup plus drôle. Tu étais un excellent cuisinier et tu m’appelais quand c’était prêt. Je te revois aussi à Anacapri t’enfuir par la fenêtre de l’hôtel où tu étais venu dormir subrepticement. Il y avait tes promenades nocturnes à toi , les jardins, et tu me racontais un peu, il y avait notre ascension vers la Trinité des Monts déserte ( je dis bien déserte ) Car quand j’y suis allée je ne sais plus exactement quand, il fallait se frayer un passage parmi les touristes ) . On soupirait pendant l’ascension ou on se tenait les cotes ( comme lorsque nous avons suivis BHL en disant avec un accent de je ne sais quelle province Française: -Tu le reconnais maman, c’est le philosophe ?. Lui, le philosophe était resté stoïque et ne s’était pa retourné l’ombre d’une fois. On a souvent été morts de rire à cette époque- là. J’avais 25 ans et toi 28. Pompelia Ulysse- quel nom merveilleux – était secrétaire générale et on se moquait de la petite autorité de Tornesi , il raggionere qui nous énervait. Tu révisais ton concours des conservateurs à l’aise me semblai-il. Sans forcer. Moi je peignais non stop. On riait avec Said, Efizio et tout le personnel de la Villa, lieu sublime et peu fréquenté en ces années et dont nous avions la clé. On apercevait Balthus, on croisait Fellini… Tu m’avais écrit mon premier texte qui n’apparait pas dans le catalogue Jungles et loups / anonymat oblige/ mais que j’ai toujours. Quand il eut traversé le pont / cuando ebbe varcato il ponte… . Il y a 10000 histoires. Aujourd’hui encore je suis catastrophée car j’avais répondu un courrier à un directeur de Musée Allemand. Tu m’avais aidée. Façon de parler car tu avais inventé une version quelque peu scabreuse, et l’avais gentiment tapée à la machine. Bien sûr on avait ri de tant de grossièreté, imaginant mon conservateur Allemand horrifié. Puis j’avais posté le courrier à Termini . On ne peut imaginer mon effroi quand je me suis aperçue que j’avais envoyé l’horreur. B. ( suicidé il y a quelques années ) m’avait accompagnée à la gare et protégée des regards. Armée de la fourchette qu’utilisait Efisio pour cueillir les oursins en Sardaigne, j’avais tenté et réussi miraculeusement à récupérer le truc grâce à un adhésif. Après Rome on se voyait moins, toi à Lyon puis il y eut le Louvre, Orsay, le Trocadero et ses soirées inoubliables… Les amis, les costumes, la terrasse… Moi un peu dans mon coin et ayant tout quitté. Toi faisant une carrière qui te mena -apothéose à Orsay où tu fis merveille. Je me souviens aussi de ta tête quand je me suis rasé la mienne, les trucs que tu prenais le temps de me sussurrer à l’oreille au moment des vernissages, tes discours pendant lesquels je t’envoyais grimaces discrètes et yeux qui louchent. Tes expos furent brillantes. Ca frôlait le génie on peut dire, même si tu étais peut-on dire, chiant, injuste et parfois terrifiant !!!! Je le dis sans malice, sans méchanceté et avec admiration. Me traverse l’esprit « le jour du canapé  » quand après un discours géant de courtisanerie prononcé par X, cet objet  » design » jaune me semble t’il, s’était effondré et moi effondrée de rire. Tu m’avais chassée et je riais de plus belle, je hoquetais. Et aussi la chaise Bambi. Chez H et N je crois tu étais assis à côté de moi et tu étais de plus en plus bas- je te regardais de haut- jusqu’à voir ton menton sur la nappe. Les pieds de ta chaise, tel les pattes de Bambi quand il se lève pour la première fois étaient si écartés que tu t’afessais. Je me souviens aussi de la photo insolente où on te voit avec le pape, de l’appartement que nous appelions l’autobus, là tout près d’ici. Et la soirée où tu fis la connaissance d’Euricio… Et aussi… Ho et puis je n’ai plus envie d’écrire.

DÉJÀ 8h

Je dois dire que ce n’est pas si désagréable de ne rien faire. On s’y habitue assez vite. Marion Delorme:

Pourquoi vis tu?

Je vis par curiosité

J’ai été effarée en tombant sur d’Instagram du Musée d’Orsay. Si effrayée que je n’ose pas y revenir afin de voir si j’ai vu ce que j’ai vu. J’y retourne en coupant le son.Une jeune femme en costume cravate nous dit de façon théâtrale: » Il s’agit d’une visite guidée particulière sous forme d’escape game; ( Une équipe de joueurs est enfermée dans une salle et doit, pour en sortir dans un temps imparti, trouver et utiliser les objets et les indices disséminés dans la pièce de façon à résoudre une série d’énigmes pour trouver un code déverrouillant la porte )????. Il s’agira d’échapper aux héritages douteux du 19 eme siècle ». Ca veut dire quoi ça. C’est quoi l’héritage douteux? Je ne veux pas parler sans savoir mais si les Musées cherchent à ce point des activités, ça me désespère. Ca me désespère qu’un musée ne soit plus l’endroit où l’on se tait en regardant des oeuvres, un endroit où l’on réfléchit , seul ou pas, un endroit où l’on parle secrètement à ces mêmes oeuvres, où on s’assied longuement( ceci étant dit s’assoir longuement devant les ménines est un rêve car aucun banc, aucun endroit où se poser. ) et où l’on savoure un autre temps. Il faut parler, s’agiter, bouger, pire: s’amuser. Tant qu’à faire préfère aller direct à Disney Land, ( jamais vu sauf film Arnaud des Pallières ) qui ne prétend pas à la pédagogie culturelle démagogique. Peut être que cette fille en résidence au Musée est formidable d’ailleurs, mais ça et l’atelier de Lumières ( participation/ immersion ) OMG comme on dit ! Mais qui trouve ces idées à la con. Pardon… Les équipes de com? Moi j’ai envie de créer l’activité punaises de lit pour que tout le monde ait peur et plus personne n’emplisse les musées, pour que le public évacue vers les conférences du Bon Marché en sortant de la Grande Epicerie, aille faire ses selfies ailleurs et qu’on soit penard. Je repense au garçon qui expliquait aux enfants, l’Allégorie: Simplement, intelligemment sans être déguisé en clown et faire des grimaces. Trop sobre, trop simple sans doute. Et tous les enfants très attentifs pour un sujet pas commode du tout…

8h15

Je vais gentiment aller allumer la cafetière et ensuite  » faire un tour » à mon atelier. Puis maquette Lyon. J’ai hier regardé Le fils incompris de Comencini. Il sait faire pleurer!. Comment réussit-on à faire jouer des enfants? Mystère mais les deux garçons sont formidables ainsi que le personnage de l’oncle. J’ai repensé aux magnifiques scènes qui suit la chute de cheval dans Barry Lindon.

Retour en haut