Arrivées à Catane. Nous avions évité cette ville, R et moi il y a plus de 20 ans, je ne sais absolument pas pour quelle raison. L’idée préconçue d’une ville industrielle, d’une ville sans intêtet? Je ne sais pas. On m’a dit récemment, Catane, c’est mieux que Palerme. Tu rigoles me dis-je. Bon il y a Naples que j’adore. Puis mon souvenir de ces deux tours de Sicile il y a bien longtemps. Quelle merveille. De Noto à Agrigente, de Taormine à Syracuse de Palerme à Mondello tout dans le désordre. Piazza Armerina et Gela dans une brume ocre. Je croyais ressembler à Ulysse et découvrir une terre. Des cafés, des hommes et cette lumière jaune et industrielle. Cette lumière opaque comme si Claude regy était passé par là.. Nous avions fui. Puis tout accompli dans un bonheur total de temples, d’hôtels crados et de processions sublimes. Des vierges qui oscillaient, portées par des hommes en sueur. La virilité/ la vierge. Soupirs et beauté rude. Image pieuse, foi brute, beauté de cette foi d’ex-voto/ implacable et polychrome. Pleurs et mains jointes/Tout dans une succession de glaces délicieuses, de courses de vélos, de mosaïques, et d’hôtel Carlton avec son bruit d’ascenseur.
Aujourd’hui, je suis sur la place de l’éléphant de lave. Un palais derrière moi, son nom je l’ignore et mille mascarons magnifiques que je m’empresse de photographier. V me dit: —-Eclate toi. Ci-fait. C’est trop beau ces visages pensifs, crétins, monstrueux, stupides, cassés, tristes, pensifs, mélancoliques. J’adore. Catane en Novembre me semble une ville tranquille de province. Je filme un terrain de sports qui sera beau au ralenti, un buste blanc dans des lauriers. Nous nous épouvantons des rues principales atrocement banales avec leurs magasins genre Zara, hideux et ordinaires. En face d’une marque et de sa devanture sonore, une église. Terrible, austère, sombre. Des hommes parlent seuls, un autre me demande un peu d’argent contre une image pieuse. Si ce n’est ces magasins atroces qui offrent des jeans déchirés, je me trouve des années en arrière. Un monde désormais ancien et que j’aime avec ses figures, ces hommes et femmes d’un autre temps sous l’Etna. Quelle beauté l’Etna. J’ai apporté mes jumelles. La neige là-haut et des nuages qui passent, s’amenuisent, deviennent transparents. En haut de la coupole gravie avec joie je dis: Là, un skieur !!! et V. pour une fois ne me croit pas. Ce que je vois jumelles aux yeux c’est une route de lave noire, c’est toi et moi, l’hôtel sur la même route noire du sommet. Puis quelques années plus tard et une éruption plus loin, nôtre refuge pris dans la lave. Plus haut des sortes de Buzz Aldrin en activité.
Spaghettis alle vongole.
L’hôtel est hyper propre et sans grand interêt.
A Paris, Seigneur est mort. En partant je m’étais inquiété de son état soudain. Ebouriffé, respiration saccadée, et il ne volait plus.
Jacques Rancière:
Don Quichotte ne regarde pas par la fenêtre ( il dit cela sur un ton qui me fait pouffer de rire. Oui, DQ n’est pas Madame Bovary, accrochée aux vitres de sa chambre, pâle d’amour. Elle est cinglée à sa manière, ennuyeuse… et le chevalier est cinglé total. )
L’apprentissage de la méconnaissance
Pas de souci de vraisemblance / Nouveau réel
Invention et imagination / Conrad
Véritable imagination/ Ne rien inventer.
Un personnage d’invention ne sort pas d’une brume nordique Partir d’une figure réelle et de développer la puissance d’histoire.
Jeudi/ Catane Palerme / 2 cappuccini / Palerme Bagheria Villa Paladonia
C’est à 15mn de Palerme. La banlieue. Marcher. Personne Pas d’intérêt particulier. Ca monte. Via Paladonia. Une sorte d’arc, de porche d’entrée en semi ruine avec ses géants curieux, au visage effacé ou rongé.Ils n’ont pas l’air particulièrement contents de me rencontrer. Bottes, fusil de pierre. Magnifiques et maladroits ils gardent ce qui sans doute fut une allée d’entrée au 18 ème siècle. Ils ont vraiment de drôles de têtes et je me demande s’ils sortent l’épée et pourquoi ils sont dos à dos. Le soir des enfants jouent au foot la-dessous ( l’endroit est dégueulasse plein de papiers, de saletés comme dans beaucoup d’endroits. le tri sélectif semble ne pas être arrivé jusque là.). Je me demande un instant si leur vie en sera modifiée, s’ils s’en souviendront. Je me demande s’ils voient cette ruine. Au loin des arbres annoncent un parc ou un jardin et on arrive devant une grille qui n’a pas dû être ouverte hier. On colle nos visages. Personne. C’est dans ce palais que j’ai réservé une chambre et que l’on va dormir. C’est certain qu’il n’y aura que nous. Pas de touristes. Trouver l’entrée, puis boire des citrons pressés en attendant l’ouverture. Calme plat. Des vieux jouent aux cartes. Il fait doux. Chouette on dort là. Chouette. Après avoir désespérément cherché une autre villa dont on voyait le parc et un morceau de balustrade en pierre (une vieille dame sur son balcon nous dit qu’il faut monter au cancello/ Oui mais où bazar???)
On abandonne et nous voilà dans notre demeure, à l’entrée. Je dis que j’ai réservé pour la nuit et là, vu le sourire du gardien et son air interrogatif je me demande ce qui se passe.
— Dormir ici? Vous allez dormir ici?
— Moi/ Oui oui. Ici.
—Mais on ne dort pas ici. C’est privé!
V. Commence à se gondoler et moi à verdir. Mais où ai-Je réservé???? On le saura plus tard. Pour le moment on visite. A nous la villa Palagonia. En long en large et en travers! C’est magnifique. Le jardin d’abord avec en haut des murs un théâtre de pierre. Des drôles de figures difformes, oui des sortes de monstres. Des soldats, des aristocrates, un faux paralysé à jambe de bois et dont la jambe est repliée. On penses à des mendiants de Bosch ou Breughel ou Jacques Callot peut-être. Des chimères et une licorne sans doute, à corne brisée. Tout cela est magique et dans un état terrible. Certains statues jouent de la musique. Un homme ou une femme nue à côté d’un âne et tiens , Mercure un peu déhanché .
J’adore cette image et ce jeune homme. Il porte une armure, il est mélancolique. Mélancolique aussi un autre jeune garçon allongé dans l’herbe. Il s’appuie sur son coude de marbre. Il rêve. C’est super beau.
Un escalier double, des bustes, une étoile, des motifs cassés. Et passée une belle pièce et ses fresques en grisaille,Les travaux d’Hercule, c’est la salle de bal. Stupéfiante avec son plafond en miroirs anciens.; je photographie et re-photographie et me parle seule peut-être à voix haute. Je me sens là chez moi et soudain file à l’entrée car je n’ai plus de batterie. Je dis à l’homme des tickets:
—J’adore. C’est merveilleux de vivre ici..
Il me répond que franchement lui, il n’aime pas car c’est le confort dans la vie qui importe !!! Oui oui .
Depuis cette visite et l’hôtel très confortable et très moche qui suivit… Heu … Heu… Ah, c’est là.. Ya une sorte de boite de nuit en dessous. Escalier type HLM en marbre, banlieue à 15 mn de Palerme et pourquoi dormir ici / Ben parce que je croyais rêver dans un palais à l’abandon. Oué l’hôtel, un B&B et on est accueillies super sympa par une mamie Tupperware dirais-je.Les chambres sont propres et dénuées d’intêrêt avec des peintures moches au dessus du lit. On écoute une redif de France culture, là où Coco s’en prend à C.H au Palais de Tokyo…
Un restaurant et à la table à côté une famille et deux enfants qui regardent un film avec le son sur l’iphone. On change de place sous l’oeil interrogatif des parents. C’est bon. Le vrai fritto misto avec des vrais poissons c’est un régal. Et mes pâtes….
Un énorme orage la nuit et une pluie battante. Ce sera la seule pluie du séjour malgré les prévisions.
L’appartement au Capo ets génial et immense, pas loin de 200 m2 avec un piano et une harpe, des plafonds peints… C’est très drôle et moi qui n’aime pas trop le genre « ancien « , car ça m’angoisse, là c’est bien. Le lit est en bois sombre et je fais la morte, V. joue du piano, je regarde le marché dans la rue deux étages plus bas. La voix hyper grave du boucher, les marchands de légumes et de fruits magnifiques. On mange des gambas dans la rue. Et des fraises des bois, et des jus d’orange frais.
Marcher, marcher, baroque et baroque et faux et vrais marbres, reliquaires, marquetterie de marbres colorés. La peur du vide, l’horreur du vide, horror vacui!
Monreale, festival de marionnettes et la famille NApoli de CAtane. extraordinaire spectacle ( malgré ma peur et mes idées un peu préconçues )
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.