LE DON’T SHOW SHOW ou LA PERFORMANCE ME BARBE et EN PLUS JE DETESTE LE MIME

Lee Lozano

Je retrouve ce texte écrit je pense lorsque l’on m’a demandé de me présenter comme professeur de Performance Aux Beaux-Arts. Inutile de dire qu’avec ce que j’ai écrit je n’avais aucune chance!!! J’en souris encore.

Un homme spécial pour chaque mot, pour chaque geste. ( B.Schultz ) 

C’est pas de la tarte comme on pourrait dire vulgairement que de prétendre à un atelier de « Performance ». Vu, qu’objectivement et subjectivement c’est du domaine de l’absurde ou de l’impossible. Pour les Beaux-arts c’est vraiment délicat.
J’ai envie de dire rigueur et sérieux. J’ai envie de croire qu’un atelier de « performance » est fait pour la peinture, le maquillage et … les champignons.

J’ai toujours encouragé les étudiants à ne pas utiliser le mot performance et à trouver quelque chose de moins paresseux. Oui. Performance.

C’est lourd à trainer ce chariot où s’ont accrochés Valie Export, Abramovic, Allan Kapprow, Arthur Cravan, De dominicis… Pas mal de femmes, Jean-Jacques lebel, et aussi des danseurs mais qui ne dansent pas et des peintres mais qui montrent le geste seulement, des Vito Acconci, Judith Malina, Craig Green couturier lui, Buster Keaton…Hermann Nitsch.Même Bob Wilson apparait. Oui les débuts.

Je suis d’une certaine génération qui n’a pas connu les années 60, trop jeune en 68 aussi… mais surgissent des images parce que l’on m’a raconté… Surgissent. Comme des flashes sans suite logique dans le temps. Comme jean Genet en 1979 quelque part près de Montmartre. Bonjour Monsieur. Comme Roger Blin qui traversait la rue du Renard. Comme Madeleine et Jean-Louis Barrault accrochés l’un à l’autre ( on voit cela dans les bals musette parfois, ces fusions.) Ils allaient traverser le Boulevard Saint-Germain et je les ai regardés longuement .

Les premières expériences des Mabou Mines avec Warrilow mais aussi leur Maison de poupée ( que j’ai adoré(e), avec des nains et Nora seule personne à taille humaine peut – on dire ). Et Jerome Bel qui fait se confesser des danseurs de l’opera de Paris.
« M.M believes in a drama of fusion, a drama where virtually anything-religion, politics, sociology, anthropology, even biology and physics- should be considered a proper mode of discourse from the footlights when they are partnered with camp, mime, music,poetry and visual art. »David Warrilow

Lee Breuer a imaginé que les spectateurs soient introduits dans un cylindre tapissé de mousse noire, partagé en scène et salle. En contrebas, l’acteur David Warrilow manipule de minuscules figurines humaines à l’intérieur d’un cylindre à leur échelle. Le texte, oscillant de l’infiniment grand à l’infiniment petit, vibre dans « l’espace » au sens où l’entendait Kant, d’un système réglant la juxtaposition des choses relativement aux figures, grandeurs et distances et autorisant la perception. Le théâtre est alors ce « vertigo » qui vous aspire, suscitant cette légère sensation d’écoeurement propre au dégoût d’être né cher à Beckett.

Je ne sais plus de quoi parle cette image de la compagnie MM, là au-dessus; je l’avais montrée aux étudiants de « Cergy-Mètre carré ». Elle est contemporaine du Living théâtre: Freedom Now Freedom now!!! On m’a raconté ça. Et les corps empilés.
J’ai le souvenir de Vostell tel que tout le monde le voit car est -il apparu autrement que tel qu’on le voit !!!…A roseisaroseisaroseisarose… Il y avait une vingtaine de loups empaillés. Posés sur du piment et il faisait très chaud. Tout le monde pleurait comme Haddock dans je ne sais quel Tintin.

Représentation Situation Action Performance Happening
= Pour quoi faire

J’ai toujours appréhendé les performances. Celles de mon époque.
Pas les archives qui incitent à moins de sévérité. L’archive à son charme.
C’est un document nécessaire pour remonter le temps. Elle nous rend nostalgique de « L’art contemporain c’était mieux avant « . Le charme aussi c’est l’idée que ces moments ont failli être perdus. Qu’ils sont presque morts d’ailleurs… Seule la numérisation et des sites comme Ubuweb etc… nous transmettent tout cela. John Cage qui parle, Trisha Brown, et même Valeska Gert… Mais quelle voix avait Claude Cahun, Jacques Vaché… Disparaitre pour toujours, ce qui n’est pas vraiment le cas du théâtre.
Qui plus est le théâtre filmé comme il est, avec des gros plans et des tas de détails qui sonnent comme des contresens. Ce n’est pas notre domaine.

Même si je comprends très bien la réponse qu’avait faite Louis Jouvet à je ne sais qui, le trouvant un Lundi assis dans le noir de la salle…

— Maitre que faites vous ici?

—Je prend l’air, répondit-il

J’ai toujours appréhendé les performances( bis ) coté spectateur et côté moi pourrait-on dire.
J’ai à chaque fois été très mécontente de moi, génée par moi et par les silences qui suivaient ces moments du côté de mes amis. Je m’en suis voulue de leur infliger ces pénibles instant d’après… après rien. Après moche. Après pas la peine d’avoir si peur pour « ça ». Bon mais il fallait essayer. Avec Edith Scob il y a peu, avec Kaspaer Toplitz et Jean Christophe Paré et bien avant au Centre Pompidou pour une soirée Futuriste- Zang Tumb tumb sur la demande de Gerard georges Lemaire / Ca c’était très drôle. En haut de ma tour-avion avec un oeil de verre et un revolver. J’avais tout fabriqué.

Et puis les danseurs, ceux pour qui Cunningham avait « écrit » et leurs costumes et la scénographie; Festival de Danse d’Aix, Théâtre de la ville. Répétitions.
C’est autre chose.Les performances qui impliquent le corps et ses humeurs, le corps et sa nudité m’ennuient. Ramper et crier. C’est bien fini. Alors ne disons plus performance. Essayons. A cergy je disais aux jeune étudiants ( plus jeunes qu’aujourd’hui me semble t’il.)
—Filmez votre cul, filmez tout et on n’en parlera plus. Est-ce que l’atelier n’est pas le lieu plutôt d’un livre d’heures en construction? Une sorte de journal exigeant.Oui exigeant , grave et sérieux en « jouant ».
Chaque jour et sans idée préconçue, poursuivre les recherches jusqu’au vivant, jusqu’à la présentation: Présenter aux autres, sans manières, sans poncifs du genre ( Nudité, monstruosité gratuite, désir de choquer non fondé, temps interminables et complaisance dans le fait de s’exhiber. )

Etre des Serpents familiers comme le suggérait Jodorowski devant des acteurs embarrassés qui travaillaient pour une temps avec lui.
.
Aller jusqu’au point où l’on ne peut pas ne pas faire. Comme parler quand on ne plus se taire.

Aller où il le faut absolument. Malgré la peur du ridicule. Du raté.
Aller à ce point intense qui apparaitra comme la partie d’autre chose et ne pourra se répéter, jamais, mais se poursuivre et se developper.

« Rien n’est plus réel que rien. » Je ne sais plus qui a dit ça
Paradoxalement « la performance » serait aujourd’hui plus puissante quand elle ne s’adresse à personne, quand elle n’est pas un show, lorqu’elle est le

DON’T SHOW show!!!!

Je regarde un happening, façon Fluxus ou façons Actionnistes . Hermann Nitsh. Je suis partagée entre l’horreur et l’envie de rire face à une sorte de grand guignol sanguinolant. Grand Guignol de l’après-camps, de l’horreur, de la dévastation. Il en reste des documents en noir et blanc et un vieil homme endormi sur un fauteuil à Berlin il y a deux ans au milieu de ses photos rouge sang. J’aime voir ce passé. Bref. Je me disais c’est lui ce bonhomme assoupi. C’est lui qui faisait »ça ». Il fallait en avoir sur le coeur pour dégobiller tout ça. Le sang encore, les bandages, la mutilation.

Lors de présentations ou de représentations on peut en plus gérer ses propres gros plans, décidés et non volés ( comme chez Beckett la bouche qui parle et surgit dans le noir comme un corps.) Comme chez Marleau bien plus recemment pour Les Aveugles de Maeterlinck , et la « performance » ici, sans être un théâtre d’objets se vide de tout vrai corps.Ce qui me surprend le plus bien souvent ce sont les défilés de mode et leur filles/garçons robots qui changent selon les époques. Leurs « parures, carapaces, monuments comme disait Genet.Où le disait il- Ou disait-il ” des costumes comme des monuments ?
Je pense à la chanson de Kraftverk, que j’ai fait dire à Edith Scob: Nous sommes les mannequins. Ca l’ennuyait terriblement d’enregistrer cela et c’est ce qui donne ce quelque chose de mélancolique exactement comme je le voulais.

J’appelle Trintignant pour lui demander ce qu’il dit de « la performance ».

Le mot qui lui vient est un mot du sud: ESPANTÉ / ébahir, épater,surprendre , étonner.
Fait unique, non reproductible, fulgurant, qui ne laisse pas intact.

Et puis la performance ne doit servir à rien qu’à elle-même et à la reprise des autres disciplines. Continuer à reflechir, à peindre, à filmer. La filmer. Là ça devient intéressant.

Bruce Nauman Clown Torture (1987)
Corps désarticulés, déplacements malaisés : le corps dans les films de Nauman, comme dans les pièces de Beckett, est un corps entravé qui répète sans fin et sans but apparent les mêmes mouvements. Contraint de répéter les mêmes gestes ou les mêmes sons, enfermé dans un espace souvent trop étroit pour lui, le corps – celui de l’acteur ou du performeur – est constamment mis à l’épreuve chez Nauman, comme chez Beckett.

Montrer ce qui gêne ou pas. Montrer ce qui grince ou non…
Je repense à des sortes de phénomènes comme Klaus Nomi et aussi à ce que sont devenus les anciens du M2. ( 3 ans à Cergy pour le cours Représentation ) des écrivains, des chanteurs , des artistes très fortement interessés par la mise en scène.

«Il me vient alors des idées absurdes, que je ne puis repousser, cependant, ni concevoir comme totalement absurdes. Je me demande si un homme, pensant lentement dans une voiture qui roule rapidement, va lentement ou rapidement. Je me demande si sont bien égales les deux vitesses, identiques, auxquelles tombent dans la mer l’homme qui se suicide et celui qui a perdu l’équilibre au bord du quai. Je me demande si sont réellement synchrones les mouvements – qui occupent la même durée – avec lesquelles je fume une cigarette, j’écris cette page et je réfléchis obscurément.» Fernando Pessoa, Le livre de l’intranquillité.

Donc ne pas parler de performance et laisser faire en disant: Essayons d’aller encore plus loin. ( Et d’échouer mieux selon la formule de Beckett )
La peur doit être nécessaire. Je vois des performances molles car elles ne sont pas habitées par la peur. Il n’y a aucune raison d’être à l’aise pour dévoiler ce que l’on ne contrôle pas bien. Il y a au regard de tels moments un sentiment d’indécence ou devulgarité désagréables, dépassés. Et que faisait Sade à Charenton, qu’a voulu faire Peter Brook. Et que veut Pippo del Bono quand il présente Bobo.
c’est surtout un sentiment de gêne que j’ai pu éprouver bien des fois, que ce soit pour Polyphonix , qui est de cette tradition. Même là, le faire « artistique est gênant ».Gênant car la gêne est soumise à une recette pour gêner. Et c’est épouvantable. Et la nostalgie des Avants-gardes…

« Même l’abject au théâtre doit émerveiller. »Jean Genet

Peu rebelle tout ça. Endormi. Aucune provocation. C’est mort. Et c’est bien de cela qu’il s’agit. Comment faire vivant, comment montrer cette bataille avec la mort. Kantor l’a fait. Music ans Mushrooms évidemment. Cage disait qu’il voulait bien enseigner la musique si on lui permettait d’enseigner la mycologie.

Black Mountain college fait rêver. Sa situation bizarrement isolée comme un sanatorium de la montagne magique, et des personnes comme Albers, Buckminster Fuller, Rauschenberg etc.
Je découvre le How to make a happening de Allan Kapprow, sorte de tutorial en 11 règles à suivre:

1Forget all the standard art forms
2Mixing happening and life from what you see in the real world 3Break up your space
4Break up yoour time
5No arty way to arrange a happening
6Make up your mind when and wher a happening is appropriate 7Be your own public relation man
8Don’t rehearse the happening
9Perform the happening once only
10A happening is not a show
11Ritual and no religion for sale

Il résulte de tout cela qu’evidemment la performance est insaisissable et qu’on la verrait mal enseignée.

TRACE ou PAS / OEUVRE ou NON

Faire refaire ne pas refaire ne pas répéter.
Il y a dans mon souvenir des exercices que j’ai proposés à Cergy quelquechose de très profond. Entre confession et rituel. Quelquefois c’est la comédie qui l’emporte mais souvent j’ai vu des choses graves. Des moments rares.
László Nemes dit que le fait d’utiliser la pellicule donne sur le plateau une tension égale à nulle autre. Je comprends.

Fabriquer ses outils. Utiliser ses machines, ses images, ses sons, ses cadres. Rien à Voir avec le phantasme de l’art total.
La performance ne ressemble pas à ce qu’elle semble indiquer.
Faire pour les étudiants. Pas pour moi. Régulateur/ observateur
Jamais par rapport à mes propres expériences.

Liste
Avant-garde Bauhaus futurisme Schlemmer Arthur Cravan Monte Verita Depero Marinetti Nijinski Yves Klein Picasso Deborah Hay jerome Bel et Veronique Doisneau 2009 John Cage Fischli & Weiss G&G ( sculptures vivantes ) Ben Les Blume Daniel Pommereule film Tetsumi Kudo Vito Acconci Mac Carthy Kartarzina Kozyra Artaud Le vigan Joan Jonas et pourquoi pas JP Leaud avec Albert Serra?
Gino de Dominicis ( mozzarella in carrozza. Le rire dans la galerie vide)

Codes de danseur et d’acteur : NON Prévoir par le film. Créer par le montage. !Abramovic:

Je n’apprends que de ce que je crains le plus.

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