VIVIER JEUDI_MARDI

La postface de la Femme au collier de velours dAlexandre Dumas est magnifique. On y découvre Nodier penché sur son microscope
“Il prit un peu de sable mouillé dans la gouttière , et le posa dans la cage de son microscope, puis il appliqua son oeil sur la lentille.”
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“Vous ne connaissez pas le Taratantaleo n’est ce pas?
Ni moi non plus, mais Nodier le connaissait lui. Nodier le savait par coeur. Il vous racontait les moeurs, les habitudes, les caprices du Taratantaleo”. Il vous eût raconté ses amours si, du moment où il s’était aperçu que le Taratantaleo portait en lui le principe de la vie éternelle, il ne l’eût condamné au célibat, la reproduction étant inutile là ou existe la résurrection.”

Tout à coup c’était facile de lire. De la place pour lire et beaucoup de place. J’étais passée à la FNAC de Saint-Etienne connue de moi pour sa nullité absolue: Pas de textes de theatre contemporain, pas l’Illusion comique non plus. Pas de Swift, pas de Koltes, pas de ci qui vous passe par la tête, de ça qu’on aurait bien commencé.
bague
J’ai attrapé La femme au collier de velours [ on apprendra que son fermoir est une petite guillotine d’or qui hypnotise Hoffmann ( oui, lui)] et aussi “Le lièvre de mon Grand-père”, sorte de Moby Dick des bois.
Quel plaisir ces phrases ;

Cet homme pouvait aussi bien avoir cinquante ou trente ans.
Il en eût eu quatre-vingts que la chose n’eût pas été extraordinaire ; il n’en eût eu que douze que ce n’eût pas été bien invraisemblable. Il semblait qu’il eût dû venir au monde tel qu’il était. Il n’avait sans doute jamais été plus jeune, et il était possible qu’il parût plus vieux.
Il était probable qu’en touchant sa peau on eût éprouvé la même sensation de froid qu’en touchant la peau d’un serpent ou d’un mort.
– C’est étrange ! fit Hoffmann en se rasseyant, j’aurais parié qu’il ne vivait pas.

Et comme si, quoiqu’il eût vu remuer la tête de son voisin, le jeune homme n’eût pas été bien convaincu que le reste du corps était animé, il jeta de nouveau les yeux sur les mains de ce personnage. Une chose le frappa alors, c’est que sur la tabatière sur laquelle jouaient ces mains, tabatière d’ébène, brillait une petite tête de mort en diamants.

En sortant de l’estaminet, Hoffmann fit un mouvement pour appeler un fiacre ; mais le docteur frappa ses mains sèches l’une contre l’autre, et à ce bruit, pareil à celui qu’eussent fait deux mains de squelette, une voiture tendue de noir, attelée de deux chevaux noirs, et conduite par un cocher tout vêtu de noir, accourut. Où stationnait-elle ? d’où était-elle sortie ? C’eût été aussi difficile à Hoffmann de le dire qu’il eût été difficile à Cendrillon de dire d’où venait le char dans lequel elle se rendait au bal du prince Mirliflore.
Puis un petit texte: Les chasses du Comte de Foix ( Bon, Alfred Deller je t’aime beaucoup mais “Il was a lover and his lass”, me saôule un peu.
Break chez Sotheby’s:
A MAN AND A HORSE ON A SNOWY DAY, CARROLLTON, OHIO
J’étais perchée près du grand mât et posée dans un des plis blancs de la grand voile, pieds calés sur une garcette, ou un cordage plus épais je ne sais plus.
Sur le pont un marin tient à la main son faubert (( En parlant de Flaubert et non pas de balai de pont, il y a eu un article intéressant dans le Monde de Orhan Pamuk:
/ La première catégorie de flaubertiens, ce sont les admirateurs de cette voix indignée qui le caractérise. Je veux parler de cette colère, tantôt ironique, tantôt outrée, que son intelligence fait tonner contre la banalité, la médiocrité de la vie bourgeoise, sa superficialité et sa bêtise. Cette ironie prend pour cible la stupidité humaine et surtout bourgeoise, et tire sa force de l’intelligence, mais aussi du talent très particulier de parodiste de Flaubert. Au XXe siècle, les jeunes écrivains admirateurs de Flaubert attachent une grande importance à imiter cette ironie, à prendre ce ton spirituel, à arborer ce masque cynique.
Et moi je racontais quoi/ Je vais ouvrir la fenêtre et pense à une soupe vietnamienne, à la lecture promise à moi-même et pas encore commencée, à l’expo de M.M que l’on ira voir à 17h avec A.P.
Le fenêtre est ouverte et il y a le bruit d’un camion immobilisé.
Donc le Capitaine donne l’ordre de baisser la voile et nous glissons tous comme des miettes , dos contre la toile. Pas de fin à cette chute…
Je lis la liste des “collaborateurs” de Dumas… Anicet, Auger,Bocage,Cordelier,Comtesse Dash,et j’en passe sans oublier Maquet.: “While Dumas died poor, Maquet died rich.” Bon, mon rêve de marin…. Voici un grand bassin éclairé, une piscine.Je ne veux pas nager, inquiète j’observe. La lumière s’éteint et je me glisse alors dans l’eau noire. Des gens sur le bord… Des hommes ouvrent une vanne. C’est une sensation effrayante et dégoûtante que le contact avec le poil de toutes ces souris qui remplacent maintenant l’eau…
Une eau de souris blanches; Je tente de sortir du bassin.
Mon père?
Puis le Grand Hotel des Bains du Lido qui est posé sur une place de Bruxelles. On m’attend à la villa Médicis pour une sorte de cérémonie qui me fait comprendre soudain Eyes Wide Shut, que je n’avais pas aimé et qui me laisse un goût désagréable, un malaise….
Mais j’ai oublié dans un petit casier fermé à clé l’aube de communiant qui est nécessaire. Des plis blancs. Ils sont au cinquième étage, au numéro S-25 ou S-36.
Dans l’ascenseur une femme de chambre qui dit m’attendre mais que je ne retrouverai pas..
G propose quelques jours à Florence ou en Espagne. Un homme à perruque 18ème a le bout du nez carré. J’observe avec insistance son profil alors que nous entrons dans une ville et sur notre gauche une cathédrale de porcelaine et de céramique; Surgissent des murs des diables vert émeraude, des cornes, des pattes arrachés à des plats de Palissy…
Il était entré dans la maison et j’attendais dans un courant d’air. J’attendais devant l’arbre -“à l’époque on pouvait sauter par dessus regarde comme il est grand immense, bien trop grand-il va tout recouvrir… Mais il était si petit. Il doit même y avoir des terriers là dedans”… Tel que je revois ce moment /la sonate de Bach est parfaite avec les murmures de G.G … J’attendais pour pousser la porte à mon tour? J’attendais que le sale boulot soit fait. Le sale boulot, c’est à aîné de l’accomplir. C’est à aîné d’annoncer à son père que la mère vient de mourir. On avait un peu menti. On avait menti, car déjà elle reposait depuis deux jours, déjà en rentrant de l’hôpital, tout de suite en rentrant j’avais ouvert le placard du couloir et rempli un grand sac des ses chaussures.
Maintenant, droit au bout de la table il me regardait pousser la porte et savait.
—”Amène moi à la chambre”
J’ai débloqué sans rien dire les cales du fauteuil et nous avons traversé “la grande salle” en laissant à notre gauche la table octogonale . A droite les bois et des chasseurs verts avec des arcs. Peut être une ruine et une Diane chasseresse. Maintenant ouvrir les draps et effectuer le “transbordage” qui au début semblait si compliqué. Ajuster les oreillers, ôter les chaussures de cuir marron en commençant par le talon, reposer les draps doucement sur le corps allongé.
—A tout à l’heure papa.
Ses yeux déjà étaient fermés, ses sourcils froncés et l’arête de son nez comme celle du nez de sa propre mère.

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