URGENT /
Mails
un peu dans le désordre mais je ne sais plus comment lire,dans quel ordre tellement tout cela est terrible. Continuons les diplômes, ne changeons rien. C’est mon avis.
“je vous écris ce soir pour vous faire part de ma décision, en mon nom propre, de demander la suspension de la session de diplôme devant commencer demain matin.
il me semble impensable que l’école ne prenne pas en compte le traumatisme profond que nous vivons tous, et que nos étudiants vivent en première ligne.
Il nous appartient d’être solidaires avec nos étudiants, dont certains ont perdu un être proche. C’est le cas d’une étudiante de mon atelier, dont le compagnon, Baptiste, est mort au Bataclan , Alban Denuit, ancien élève de l’école, y a également trouvé la mort, ainsi qu’un diplômé de Paris Malaquais dont le travail est en ce moment montré dans la galerie du Crous, rue des Beaux Arts.
Par delà l’horreur des souffrances individuelles, je pense viscéralement que l’école se doit de prendre une position: une génération, celle de nos étudiants, est prise pour cible, nous ne pouvons pas nous en tenir à un calendrier comme si de rien n’était.
Je vous demande de donner aux étudiants un peu de temps, le temps de parler ensemble, le temps de partager leur souffrance, le temps de poser toutes les questions qui nous traversent.
En ce qui me concerne, en tant qu’artiste et en tant qu’enseignante , je refuse de présenter à un diplôme des élèves qui viennent de passer 48 heures avec leur amie, d’abord dans l’angoisse, puis dans la certitude de la perte. Donnons leur au moins un peu de temps pour récupérer, dormir, retrouver leur place par rapport à leur travail.
Il me semble symboliquement important que nous soyons avec nos étudiants, ce n’est pas une question d’empathie individuelle, mais bien ce que je ressens de mon rapport éthique au monde , en tant qu’artiste et en tant qu’enseignante.
Je sais bien que pousser la session de diplômes de quelques jours représente un surplus de travail administratif, mais il me semble essentiel que notre école prenne sa place dans le deuil. Il faut bien sur continuer, continuer à faire de l’art, à l’aimer, continuer à enseigner, continuer à vivre, rire et pleurer. Mais laissons nous un peu de temps avant de reprendre le calendrier “normal”.
Je serai demain matin à 9h30 devant le secrétariat de l’école,pour demander à rencontrer Jean Marc et Didier, destinataires de cette lettre comme vous tous, ainsi que les membres du jury de diplôme. Si vous voulez vous joindre à moi, je vous en remercie d’avance.”
Anne
“j’entends bien l’argument de n’avoir à opposer à la barbarie que notre constance. mais notre constance pourrait être celle du sens que nous mettons dans notre travail, qu’il soit celui d’enseignant ou d’artiste.
Clara Fontaine est une élève de l’atelier, très présente depuis 5ans. Son compagnon, Baptiste, a été de touts les accrochages, repas, fêtes. Il est mort vendredi soir, la vie de Clara a basculé, avec la sienne celle de ses amis les plus proches, dont deux étudiantes qui présentent leur diplôme cette semaine, l’une d’elle demain matin.
Le gouvernement de notre pays avait décrété la fermeture de tous les établissements publics ce week end, notre école est restée ouverte, les élèves sont venus y travailler malgré tout, certains peut être avec enthousiasme, d’autres avec la rage au ventre, et d’autres encore désespérés. Ce ne sont tout simplement pas des conditions normales dans lesquelles défendre un rapport à l’art, j’en suis intimement convaincue. Ne pas reconnaître leur traumatisme me semble impensable, il faut bien sur qu’ils passent leur diplôme, mais le faire ainsi, alors que les corps sont encore à la morgue, me semble insoutenable.
Pourquoi n’est il pas envisageable de repousser cette session de deux, trois jours, voire une semaine? Ne sommes nous pas en train de vivre dans l’exception de l’urgence?”
Anne Rochette
“Nous n’avons pas grand-chose d’autre à opposer à la barbarie que notre constance et notre détermination. Notre idée est que les diplômes doivent continuer parce nous ne devons pas nous laisser dicter un calendrier par les fous sanguinaires qui s’en prennent à notre jeunesse. Certains élèves sont prêts, anxieux, retarder les choses de quelques jours ne les aiderait — c’est notre sentiment — en rien. Ce n’est pas non plus, tu le sais et nous ne permettrions à personne d’en douter, une volonté de minimiser ce qui se passe ou un oubli des victimes. Nous sommes informés de la mort d’Alban Denuit depuis hier, c’est atroce, et nous avons eu, comme toi, comme tous, les larmes aux yeux de voir ce garçon merveilleux ainsi prématurément emporté. Un hommage lui sera rendu, d’abord demain, à midi, avant la minute de silence dans la cour vitrée, et nous comptons réfléchir à une marque de souvenir plus pérenne dans l’École, qui soit digne de lui. Mais ne cédons pas, nos élèves sauront travailler dans le deuil, nous en sommes persuadés, et répondre par leur constance à ceux qui veulent les plonger dans l’effroi.”
Didier
Chère Hélène,
Je serai en train d’enregistrer pour un livre audio dans le 12éme toute la journée. Mais je serai là à ma manière.
J’espère que tout ça ne va pas devenir une répète du 11 janvier (« Je suis……… » – remplissez par ce que vous voulez ou quelque chose du genre “cadenas d’amour ». A part supprimer des vies innocentes, faire peur, ils ont gagné aussi ainsi : augmenter la bêtise.
Dominique Paini
Merci pour vos messages ! On y sera
C’est l’horreur absolue, j’ai aussitôt pensé à mes élèves aussi, je leur ai envoyé un email, ceux qui ont répondu m’ont rassuré. Mais je n’en sais pas plus. Je suis tout bouleversé depuis samedi matin
UNGLEE