J’arrive pile à l’heure et sonne à la porte miroir. Il me semble plus en forme que l’autre fois. Paravents, tentures, plafonds peints, trompe-l’oeil. Piano à queue. C’est le “nécessaire” de la bourgeoisie du 19e.
—Mes grands parents vivaient ici, j’y suis né. Rien n’a changé
—Rien du tout?
—Non. Ce qui n’est plus là, je l’ai remplacé par l’identique.
—Donc à cinq ans, vous jouiez là.
—Oui et j’ai commencé le piano à 4 ans, suis tombé malade à 13 et j’ai renoncé. J’ai fermé ce piano. Terminé.
—Allons par là.
Par là est au bout d’un interminable couloir où il devait faire bon courir ou glisser en patins à roulettes. On devine une grande cuisine, des toilettes, une chambre et on arrive dans une autre avec un lit à baldaquin sur lequel est posé du matériel pour imprimante. Le plafond est un ciel bleu moutonneux. Et le ciel bleu en vrai est juste là au dessus d’un petit jardin-terasse avec des pots, des plantes que D. aime soigner.
Je ne photographie rien. Mais j’aime traverser ce couloir derrière lui dans la pénombre.Il marche vite.
J’ai déjà filmé ce genre de traversée, mais où? Peut-être chez la Duchesse d’O. ou autre noblesse lors des interviews pour Grès.
Je croyais pouvoir fouiller dans des boites de photos. Mais non; Il a déjà fait préparer 16 images. Bon.
—Et le télégramme ?
— Oh il est je ne sais où avec les lettres.
—Vous pourriez le trouver?
Ce n’est pas gagné.
Je ne pose pas trop de questions pour ne pas couper la fraîcheur lorsque le moment sera venu de le questionner en Novembre. Il me dit de ne pas m’inquiéter, que ça ira, et qu’il ne faut pas préparer….