La petite femelle mandarin, qui avait eu un bébé cette année, est morte.Ca fait deux oiseaux en peu de temps. Les oiseaux semblent-ils manifestent des signes inquiétants : Ebouriffés ils sont et mangent pas mal,( la perruche atrocement boulimique à la fin ) et volent de moins en moins et ferment les yeux et semblent dormir le bec dans l’aile. Avec le mâle à ses côtés presque tout le temps qui la bécote au sens propre du terme. Et elle sur la branche tout contre lui, fait des minuscules pas de côté , ce qui le force, lui à agir de même. Puis à s’envoler et revenir.
C’est drôle et interessant de regarder ces déplacements mystères, chants soudains et silences soudains. Que ressentent-ils à la disparition d’une compagne et d’une mère. Le soir père et fils n’étaient pas en très bons termes. Y a t’il une rivalité masculine possible ” en famille “. Coups de becs agressifs au fils quand il s’approche du nid nuptial. On regarderait àa pendant des heures. La cage est très grande.On s’assied et on se laisse emporter dans je ne sais quelles considérations semi-ornithologiques. En disant semi, je repense à nos rires avec R, lorsque la femme du boucher de G. nous disait que sa fille était semi-professionnelle en je ne sais quel art du mouvement. Et dans la biographie de Siménon, je lis qu’il parlait lui même de lui aux alentours de ses 30 ans en disant qu’il faisait de le semi-littérature !! Le temps passe trop vite. Lu ce matin de Dimanche un petit livre de Doeblin: Heu , sais plus le titre , l’empoisonnement? ‘ai la flemme de répondre aux étudiants, mais dois le faire aujourd’hui. Ciel doux, moins vif et lumineux qu’hier.
La coherence imbecile est le spectre des petits esprits .
Emerson
Notes/ Réponse à Jade étudiante
C’est beau ce texte. J’ignore « toute l’histoire « mais je trouve que c’est satisfaisant comme ça. Des récits courts mi scientifiques mi invention. Comme des traités. Je crois que Pascal Quignard avait écrit des petits traités . BINGO
Pascal Quignard— À la fin des années soixante-dix, le peintre Louis Cordesse,( je ne sais pas qui c’est et j’ai peur de regarder !!!) disparu depuis, et moi-même avions eu l’idée de faire paraître, dans un même espace typographique, lui des suites de petites gravures, dans l’esprit des gravures de Rembrandt, moi des suites de petits textes, dans l’esprit des suites baroques, comme en avaient composé Pierre Nicole et Saint-Évremond.( Oh il a un drôle de machin entre les deux yeux!!!? ) Ce projet prévoyait huit tomes de gravures et huit de textes. Si la parution des suites de gravures a été interrompue dès le troisième tome, j’ai poursuivi l’expérience de mon côté. Cette forme d’écriture m’a passionné : depuis très longtemps, j’éprouvais de la haine pour la dissertation classique, où la thèse et l’antithèse aboutissent forcément à la conciliation de la synthèse. Je trouve insupportable ce « happy-end » systématique de l’essai, voué à la conclusion fade et rassembleuse.
Je préfère la tension baroque où, comme dans les suites de Bach, on choisit deux thèmes qui s’entrechoquent, que l’on fait danser en majeur ou en mineur sans qu’ils se réconcilient jamais dans la paix sinistre de la synthèse. Ces textes proposent donc des questions ouvertes, et aucune réponse. Rien n’est univoque, tout est divisé. Tout ce qui est déchirant demeure à l’état déchiré.
Au fait, qu’est-ce qu’un « petit traité » ?
Pascal Quignard— Les « petits traités » sont un genre inventé par Pierre Nicole, en opposition aux Pensées de Pascal, qu’il jugeait lâches et décousues. C’est un genre fragmentaire par lequel, sur un sujet, il venait faire s’opposer des positions différentes. Saint-Évremond a repris cette forme qui n’existe que dans la littérature française et qui hérite directement des Essais de Montaigne. C’est une façon de faire du Montaigne en plus brusque, intense, effervescent. J’ai été séduit par cette vieille forme abandonnée, qui me paraissait tout à la fois humble et moderne.
Genre fragmentaire, soit, mais qui possède tout de même une signification d’ensemble…
Pascal Quignard— Dans mon esprit, non. C’est une forme strictement individuelle par rapport au mythe collectif. Ce sont des rebuts inclassables par rapport au cours de l’Histoire, une forme qui recueille ce qui est oublié. Ce sont des petites choses à la frontière du monde – ce qu’un Romain comme Albucius appelait des sordidissimes, qu’un modeme comme Lacan appelait l’objet petit a. C’est ce que laisse tomber le discours ou la norme pour pouvoir être justement discours ou norme. C’est l’hospitalité pour le plus étranger. Albucius disait : « Il faut accueillir le mot latrines et le mot rhinocéros ». Plus modestement, disons que ces Petits traités sont les copeaux de ce qui m’intéresse.
Justement, certains de vos thèmes favoris ou de vos préoccupations récurrentes traversent ces Petits traités – par exemple le silence…
Pascal Quignard— Pour moi, le silence est plus qu’un thème. Enfant, de façon involontaire, je me suis arrêté dans le silence jusqu’au mutisme. Le silence définit le laissé-pour-compte du langage, son résidu. Quand le langage apparaît dans l’humanité, il porte une ombre qui est le silence. Il n’y a pas de silence sans langage. Et plutôt que porte-parole, je me sens porte-silence.
En passant j’adore les:
Pseudonymes utilisés par Pierre Nicole
- Pierre Nicolle (1625-1695)
- Guillaume Wendrock (1625-1695)
- Barthélemy (1625-1695)
- Chanteresme (1625-1695)
- Chanteresne (1625-1695)
- Damvillier (1625-1695)
- Damvilliers (1625-1695)
- Franciscus Profuturus (1625-1695)
- Guillelmus Wendrockius (1625-1695) !!!!
- Mombrigny (1625-1695)
- Optatus theologus (1625-1695) !!!
- Paulus Irenaeus (1625-1695)