Nicole Stéphane/ Fragments d’interview
Voici en vrac des images du Dossier Nicole Stephane. Ce travail concerne Nicole Stéphane ( 1923 – 2007 ) que j’étais allée interviewer en 2001 pour France-Culture ( Autour des Enfants Terribles / Surpris par la nuit ). Trouvant cette personne rare et singulière, je lui ai demandé s’il était possible de poursuivre les interviews et de la filmer. Je me suis donc rendue régulièrement chez elle de 2003 à 2007, afin d’entendre sa vie de résistante, comédienne puis productrice.D’entendre aussi tout simplement ses réctions faces aux choses. Pendant toutes ces années j’ai filmé , enregistré et également pris des notes. Nicole Stéphane est décédée en Mars 2007. J’ai alors commencé à écrire Ces notes deviennent une lettre: “Je vous écrirai après votre mort”. Une lettre qui est aussi une sorte de livre d’images. Je réunis à présent tous les éléments qui constitueront le film. Un documentaire ? Je pense qu’il ne s’agit pas à proprement parler d’un documentaire. Nicole Stéphane existe sans moi et l’on trouve quelques informations la concernant. Elle a été sollicitée à diverses reprises à propos de Proust, Cocteau, de la Guerre d’Espagne… Ce que je souhaite c’est parler d’elle évidemment, de sa vie et de ses engagements. En 4 ans de rencontres régulières s’établissent confiance et intimité. Je suis donc le témoin privilégié de “son monde” de “displaced person“, comme elle se qualifiait elle-même, et la regarde au travers du mien. J’associe à sa parole mes images – séquences, photos et dessins- J’associe à ses images mes notes, mon récit. Ce film sera donc une sorte d’entre-deux personnes: Ses réactions à mon contact et ma découverte constante de cette vie intense que fût la sienne.
JE VOUS ECRIRAI APRES VOTRE MORT
Première page du livre Nicole, J’avais promis de vous écrire. Mais où êtes-vous ? Très loin… Juste à côté… Me voyez-vous ? Si c’est le cas vous devez bien vous moquer de moi, submergée que je suis par ces documents, ces bandes accumulés pendant quatre années, perdue dans mes notes, mes interrogations et terrorisée à l’idée de faire un film que vous n’aimeriez pas. Si vous me voyez, vous voyez aussi sur ma table le cow-boy dessiné pour vous, posé sur une chaise le bonnet que vous m’aviez offert, la théière, les ciseaux… Nous sommes Dimanche, peu importe pour vous maintenant. Il fait un gris bleu et froid. Depuis plusieurs jours la maison est vide et cependant je suis avec vous, avec votre voix que je fais avancer, que je réécoute. Il n’y a aucun bruit, un chien de temps en temps… Je sais que la nuit venue vous reviendrez dans votre chambre-forêt, vêtue de la cape noire: la cape aux oiseaux d’or du blason de votre enfance. Vous glisserez comme une sainte de procession. Cette procession où vous avez suivi votre mère, Cocteau, Doudou, Marguerite, Susan et tout ceux qui vous manquaient tant. “Death”, comme vous disiez, est passée et vous a embarquée vous et votre petite radio… Je me suis assise, j’ai pleuré et me suis photographiée: (Retardateur, dix secondes, debout, bras le long du corps, votre foulard à gros pois rouges posé sur ma tête comme un voile.) J’avais envie de vous téléphoner pour vous annoncer votre mort. Je me rassurais en pensant que vous étiez contente de votre compagne de voyage, Lucie Aubrac, partie le même jour. — Nicole et Lucie, alors ça “c’est le chapeau de la fourmi”… C’est ce que vous auriez dit. J’ai traîné toute la journée. Il pleut. Je suis trempée. C’est fini. J’ai prévenu l’AFP .
“Vous trouverez à gauche de la demeure d’Hadès une source, et près d’elle, se dressant, un cyprès blanc: De cette source ne vous approchez surtout pas. Vous trouverez une seconde source, eau froide qui coule du lac de Mnémosyne: Devant elle se tiennent des gardes. Dites: “ Je suis fille de la Terre et du Ciel étoilé. Ma race est céleste, et cela vous le savez, vous aussi. Je brûle de soif et je défaille. Donnez moi donc à l’instant l’eau froide qui coule du lac de Mnémosyne.” Et ils vous donneront à boire de la source divine, et de ce moment, avec les autres héros, vous serez souveraine.”
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