Hieronymus Francken le Jeune

SAMEDI 5 AVRIL

J’ai repris Austerlitz, lu pendant le COVID et que j’avais pas mal oublié. Je retrouve ce plaisir ressenti à la première lecture. Les lieux, les fantômes, les rencontres étranges, les architectures bizarres et secrètes, la marche. 

Atelier cette semaine enfin avec les moments difficiles mais connus, habituels disons, de ce qu’on appelle la reprise, même s’il n’y a pas vraiment eu coupure. Deux chassis entoilés et blancs ont attendu deux jours avant que je ne bouge de mon fauteuil et sorte non pas d’une certaine torpeur mais bel et bien d’une paralysie. Moi qui me moque pas mal des artistes « à difficultés », disons que je n’aime pas le drame, le ronflant, que l’on met en décrivant ces « états de peinture » ( je repense au témoignage de Soulages qu’ils ont passé sur France Culture quant à la difficulté de commencer un tableau). J’ai réagi en disant pas moi pas moi, mais il faut avouer que moi aussi. Mais il suffit de ne pas le dire, de ne pas en faire une affaire. C’est l’histoire usée de la page blanche. En parlant de page blanche, entendu hier CG parler de Sollers. Même si cette personne est intelligente ou au moins cultivée,  elle me semble parler énormément et avec assurance, et à l’entendre je ne peux que me souvenir de cette soirée pénible, très pénible, mortelle même chez PC où elle et son ami ( ancien  » collègue « des Beaux arts ) furent odieux. J’avais eu envie de fuir sans crier gare, se lever et disparaitre c’est facile mais grossier et avais échangé avec V. présente aussi et souffrant le même martyre, pas mal de coups de genou. On a hurlé de plaisir dans la nuit en quittant enfin ce repas déplaisant pour tout le monde. Une conversation politique houleuse s’était amorcée avec un Latino plutôt sympathique LUI. Donc il suffisait d’attendre en déplaçant à droite et à gauche, en faisant tourner soit notre fourchette, soit un reste de pain. Prétention et assurance-est ce que cela en vaut la peine? Vanité. Condescendance aussi, visiblement nous n’avions pas le niveau. J’avais commencé mal, oui mal commencé en la contredisant. Une nouvelle traduction de la Divine Comédie était sortie et elle prétendait que NON, alors que j’avais entendu le matin même sur FC une émission à ce sujet. Du coup me voici chez Dante à en chercher les traductions. Tiens, je retrouve Michel Orcel rencontré à la Villa Médicis. je commande le livre de Maldelstam.

Note Dante

Ossip Maldelstam, Entretien sur Dante. Court essai magnifique où un poète exilé dialogue avec un autre poète exilé en enjambant les siècles. Traduit du russe par Louis Martinez, (Lausanne, L’Âge d’Homme, 1977/1995) et Carlo Ossola, ( tiens j’ai rêvé de lui cette nuit même, il rejoignait l’estrade d’un lieu de conférence et je trouvais ses vêtements datés bien qu’élégants… ) ) Introduction à La Divine Comédie. Il s’agit de la version condensée d’un texte déjà publié en Italie par l’un des grands spécialistes de Dante, professeur au collège de France. Traduit de l’italien par Nadine Le Lirzin et Pierre Musitelli (Paris, Éditions du Félin, 2016). 

 Atelier céramique aussi « pour finir la terre »  et difficulté là aussi alors que je tente de faire une urne, un vase à double visage,( n’est pas Rodin qui veut !!! ) inspiré de celui que j’ai vu à la BN Richelieu. Assez fatiguée je dois dire. Mal au reins. ( ai fait examen densiomètrique, je ne sais plus le terme. Os impeccables mais j’ai rapetissé de 3 centimètres. Zut alors, il ne va plus rien rester ! )

Très beau temps. Les oiseaux sont fous et s’en donnent à coeur joie à voler et piailler dans l’atelier. Le petit s’approche davantage de moi. Il se regarde beaucoup dans le miroir.  Il y a eu aussi le voyage à Lyon et le début de travail pour Grignan où nous avons passé la soirée avant RV avec le Maire le lendemain. Tout cela très agréable. La semaine prochaine ce sera Aubusson, puis celle d’après Nice. Je vais vraiment essayer de partir fin mai début juin et être tranquille.J’ai réservé le petit hôtel que j’aime à La Brigue où nous passerons 3 jours. Revoir la Chapelle ND des fontaines et marcher. Appel du CNAP pour édition. Pas vu d’expositions, ( passée au salon du dessin mais bon, je n’aime pas ces «  foires «  et n’irai pas à art Paris.) Envie de voir le film d’Albert Serra. 

Vu hier Enormément bizarre, la collection de J. Chatelus. Mélange d’objets primitifs, de monstruosités en tout genre, atmosphère rugueuse si on peut dire et mortifère. Drôlerie aussi. Dans le film où on le voit dans son appartement sur-sur-sur chargé, il avance puis recule soudainement en disant  » C’est une impasse !!! On rit souvent à l’entendre .J’étais aller diner chez lui il y a bien longtemps dans les années 80. Il ne fallait pas souffrir de claustrophobie ( tout était fermé et dans le noir ), ni d’allergie ( on marchait sur des tapis qui reposaient sur des boules de naphtaline ( ennemi de l’asthmatique ) sous l’oeil inquiétant des masques et autres objets votifs. Un sainte martyre alanguie dans sa châsse venait de mourir poignardée. Cette accumulation me semble à moi invivable mais dans une exposition et déconnectée du lieu d’habitation ( reconstitué, ce qui crée une distance et évite le pathos pittoresque) , ça me semble possible. Il me semble que SC disait sur France Culture que l’exposition était morte et je ne suis pas d’accord.

Repris la lecture de Stoichita , l’instauration du tableau dont j’ai peut-être déjà parlé. ( les ânes iconoclastes? ) Et Lomazzo quant à la nécessité de briser l’ordre de la pensée, de pratiquer «  un art de la mémoire » mais aussi un art de l’oubli. Ce qu’il dit m’intéresse beaucoup et le fait que collection à l’origine n’était ni un lieu ( cabinet d’amateur ni un ensemble d’oeuvres) mais une sorte d’anthologie littéraire. Je regarde avec intérêt en cherchant sur le net car dans le bouquin on ne voit pas grand chose. Il y a les 5 allégories de Rubens et Brueghel l’ancien. Je ne me souviens pas exactement mais aussi ce tableau figurant un cabinet d’amateur avec toutes les toiles reconnaissables ( pas par moi ), excellent exercice me semble t’il pour les apprentis historiens d’art! Il y a deux tableaux de Hieronymus Francken le Jeune presque identiques ( Les arts et sciences je crois )( est-ce celui ou un groupe de personnes regardent justement une peinture représentant une scène iconoclaste avec des ânes ). Sur l’une un personnage entre au fond à droite par une porte entre deux colonnes. Sur l’autre le personnage à disparu. Par l’entrebâillement de la porte il me semble que sur l’un on voit une bibliothèque, sur l’autre je ne sais plus. Ce ne sont pas les seules différences. Je reprends:

Sur celui où l’homme entre chargé d’une aiguière me semble t’il et d’une sorte d’assiette ( je vois mal ), le centre est occupé par deux hommes qui discutent en regardant un tableau appuyé sur une chaise. Derrière eux la même chaise. A droite six hommes sont assis ou debout près d’une table chargée de mappemonde, livres et coquillages; A gauche près des fenêtres une autre table recouverte d’une étoffe rouge ( comme chez Chatelus ! ). Cinq hommes qui devisent, une sphère armillaire me semble t’il, objet précieux, soutenu par des sphinx? Devant un chien seul. Au fond, peintures au mur et cheminée sur le manteau de laquelle sont posés des petites sculptures, un corail et des coquillages . A droite, des instruments de musique.

Sur l’autre tableau même fond avec mêmes tableaux, même cheminée, même tableau posé contre la chaise. Il n’y a plus que trois personnages à droite autour de la table. Une dame tient à la main une fleur rouge.

Les deux hommes qui regardaient le tableau appuyé sur la chaise la scène iconoclaste, sont remplacée par un groupe de trois personnes visiblement importantes. Une femme assise, éventail à la main et deux hommes portant fraise autour du cou. Prolifération d’animaux. Le chien qui était seul et bien tranquille est à présent, le malheureux, entouré de singes et d’autres chiens de taille et race différente. Il y a maintenant à gauche un grand bouquet de fleurs ( florilège ) et au pied du vase ce qui semble être des morceaux de sculpture brisée( déjà présente dans l’autre tableau ) Le personnage du fond  qui entrait dans la pièce, s’est volatilisé et on voit dans l’entrebâillement des soldats. J’adore regarder ces oeuvres allégoriques. Je repense aussi évidemment au Cabinet d’amateurs de Perec qui est un délice de lecture. C’est drôle comme la découverte de ces ânes iconoclastes peut être stimulante. Je ne sais pas ce que cela donnera. J’ai commencé une peinture avec un personnage central, mains posées sur la table out l’on voit un livre ouvert. Je repense aux magnifiques livres représentés dans les peintures de Ribera. Bref, on en est loin. Et puis il y a cette histoire de double qui me fascine. M. m’a fait découvrir à ce sujet un étrange tableau d’ Ernest Biéler, Les Sources, 1900. On dirait un test de Rorschach. j’ai la flemme de le décrire pour le moment. Je repense à mon cours au Beaux arts et aux descriptions d’oeuvres que je demandais régulièrement.

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